Les barrages "masquent" l'élévation du niveau des mers
LE MONDE | 14.03.08 | 17h14 • Mis à jour le 14.03.08 | 17h14A 9
Effondrement des calottes polaires, fonte des glaciers d'altitude, dilatation thermique des océans, augmentation de la teneur atmosphérique en vapeur d'eau... Le nombre de paramètres connus qui influent sur l'élévation du niveau des mers est déjà important. Il faut en ajouter un autre, relativement inattendu. Des travaux de chercheurs de Taïwan, publiés vendredi 14 mars dans la revue Science, montrent que les barrages sont un élément important à prendre en compte.
Ces grandes retenues auraient contribué à "masquer" 30 mm de montée des mers depuis le début des années 1960. Sur le demi-siècle écoulé, cet effet de "masque" représente une atténuation annuelle d'environ 0,55 mm par an. Cette contribution (négative) est loin d'être négligeable par rapport aux autres contributions (positives) connues. Le Groupe intergouvernemental d'experts sur l'évolution du climat (GIEC) prévoit une augmentation du niveau des mers de 20 cm à 50 cm environ à la fin du siècle. Mais, dans leur rapport 2007, les experts l'avouent : "Le bilan (des différentes contributions) n'est pas établi de manière satisfaisante."
L'importance inattendue des barrages dans ce bilan devrait conduire à de nouvelles évaluations. "Cette étude confirme que l'on sous-estime, aujourd'hui encore, la montée des mers due à la fonte des glaces", dit Eric Rignot, chercheur au Jet Propulsion Laboratory de la NASA. "Ces travaux ne traitent cependant que de la contribution des réservoirs artificiels, or il y a aussi un effet des réservoirs naturels", poursuit le chercheur.
CONTRIBUTION MÉCONNUE
Ces réservoirs (lacs, nappes phréatiques, etc.), et surtout leur évolution, jouent un rôle dans le processus d'élévation du niveau des mers, mais leur contribution demeure méconnue. On suppose parfois que leur évolution contrebalance, peu ou prou, celle des retenues artificielles. Du coup, il peut être trompeur d'ajouter directement 30 mm à la courbe d'élévation du niveau des mers, comme le font les auteurs.
Les derniers grands projets de barrages sont achevés. L'essentiel des sites a été exploité entre les années 1960 et les années 1990. En toute logique, si les auteurs n'ont pas fait fausse route, on devrait assister, dans les prochaines années, à une accélération de l'élévation du niveau des mers. Mais les mesures peuvent toujours réserver des surprises.
Stéphane Foucart