Oufffffff!!!!!!!!!!!!!!! Quelle misère! Quelle honte!
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Quotidien des Algériens à Finsbury Park (Londres, Royaume-Uni)
Désillusion sous le ciel gris de Londres
Sur les cartes de crédit, fausses évidemment, ils s’appellent Steve, Marc, Jean-Paul et bien d’autres prénoms à connotation occidentale.
Ils, ce sont les Algériens qui circulent avec des faux papiers à Londres, au Royaume-Uni. Une fois arrivés au pays de la reine Elisabeth, nombre d’entre eux se réfugient à Finsbury Park où ils apprennent à connaître les méandres de Londres. Tronquer le soleil d’Alger par le temps gris et nuageux propre à la capitale anglaise n’est pas le plus dur à vivre pour nos desperados. Les illusions commencent à se perdre dans l’obscurité de la nuit où ils ne trouvent pas d’autre logis que les sièges des trolleybus pour ne pas dormir à la belle étoile. Ce genre de mésaventures ne décourage pas pour autant les jeunes Algériens. « C’est un vice », souligne Salim, un grand gaillard de 27 ans, qui a laissé derrière lui son El Harrach natal pour tenter sa chance en Europe. Tous les moyens sont bons pour arriver à Londres. Salim a connu de nombreuses péripéties avant de traverser la Manche. Son aventure commence en France où il réussit à s’acheter de faux papiers à 2000 euros. Après deux tentatives infructueuses, il ira tour à tour en Belgique et aux Pays-Bas avant de fouler le sol du Royaume-Uni où il réside depuis quatre ans. A Londres, sa vie ne sera pas très différente de celle qu’il menait à Alger où il versait dans le « tbezniss » (commerce informel). Officiellement, Salim est cuisinier, un métier qui, selon lui, ne nourrit pas son homme. Mais en réalité, il arrive à amasser de l’argent grâce surtout au marché parallèle où il vend des téléphones portables. L’attitude conciliante de la police londonienne fait que ce commerce est florissant à Finsbury Park. « Ici, ce n’est pas comme en France. Les flics ne viennent pas à chaque coin de rue te réclamer tes papiers juste parce que tu as une gueule d’Arabe. Si tu te montres tranquille et que tu ne commets pas d’infractions compromettantes, personne ne viendra t’inquiéter. C’est la liberté totale », souligne notre interlocuteur qui a choisi un moyen qui lui assure un gain facile, car il ne compte pas s’éterniser au pays de sa majesté. « Je veux juste me faire une petite situation et rentrer ensuite au bled pour fonder un foyer », conclut-il. Si Salim ne souhaite pas se voir pousser des cheveux blancs au Royaume-Uni, c’est parce qu’il a été échaudé par les expériences de ses aînés.
La drogue ou la folie
« Je ne veux pas perdre ma jeunesse fel ghorba (comme émigré). C’est difficile de vivre loin de sa famille. Les fêtes religieuses telles que l’Aïd, El Mawlid Ennabaoui n’ont pas le même goût et tu ne sens pas l’ambiance du Ramadhan. Ça me manque d’entendre l’appel à la prière du muezzin », ajoute-t-il en fixant Moh, un autre Algérien installé à Londres depuis 12 ans et qui affiche un air complètement blasé et un regard perçant. Les mains dans les poches, un bonnet vert kaki vissé sur la tête, ce dernier est particulièrement aigri. Moh, 39 ans, a été un véritable globe-trotter, il a sillonné le monde de long en large avant de s’établir en Grande-Bretagne où il vivra plus de 12 ans. De ce long périple, il ne garde que des… regrets. « Je n’ai aucun problème matériellement. Je n’ai pas eu de difficultés à m’intégrer ici. Pendant 11 ans j’ai été hébergé par une Anglaise. J’ai pu gagner assez d’argent pour me construire une villa en Algérie et aider ma famille, mais je donnerai n’importe quoi pour revenir en arrière et changer le cours de ma vie pour rester avec les miens », assène-t-il. « Ici les gens sont froids et on devient comme eux avec le temps », relève-t-il, l’air triste tout en regrettant que les Algériens ne constituent pas une diaspora à l’image des autres communautés notamment turque et marocaine. « Les Algériens ne voient que ceci », dit-il en désignant sa poche. La communauté algérienne à Finsbury Park n’est pourtant pas aussi disloquée que ça. Elle est répartie dans des points distincts de ce quartier qui représentent différentes régions d’Alger.
Le Boumati de Londres
Ainsi, les jeunes de Kouba, de Belouizdad (ex-Belcourt), El Harrach et Salembier ont chacun leur propre café maure qui n’a rien à envier à ceux d’Alger où ils se rencontrent pour conclure des affaires, mais aussi pour discuter de la dernière journée du championnat de football d’Algérie et des nouvelles du bled. Ils se sont créé leur propre langage. Ziga désigne la fausse carte de crédit. El hadja veut dire les réfugiés politiques et tchoumira fait référence au revenu minimum d’insertion (RMI). Tous les Algériens connaissant par ailleurs Dar Lekbira (la grande maison) sobriquet donné au Home Office, le ministère de l’Intérieur britannique, département qui traite du dossier de l’émigration. Mais même dans cette atmosphère, Moh se sent dépaysé. Pour lui, on est bien loin du paradis miroité aux jeunes qui s’élancent vers l’émigration comme c’est le cas de ces centaines de téméraires qui essayent de traverser la Méditerranée avec des moyens rudimentaires au péril de leur vie. « On trompe les jeunes en leur faisant croire que la vie est meilleure ici, alors que cela n’est pas forcément vrai. Quand ils arrivent ici, ils sont confrontés à la dure réalité et ils sombrent soit dans la consommation de la drogue, soit dans la folie », raconte encore Moh, maussade. Lui qui a quitté l’Algérie dans la précipitation veut maintenant y revenir à tout prix. Il languit de respirer à nouveau l’air algérois. Un souhait ardent que ne partage nullement un autre Algérien rencontré dans les dédales de Finsbury Park et qui se fait appeler Berricha. Originaire de La Glacière (Alger), 45 ans, taille moyenne et chauve, il en a gros sur le cœur. Aussi, il ne mâche pas ses mots à l’égard de l’Etat algérien qu’il accuse de négliger la frange juvénile, poussée vers l’émigration. « Allez voir à Victoria Street où vous rencontrerez les enfants de ministres qui vivent comme des rois. Ils leurs ont acheté des appartements de luxe et les ont inscrits dans les meilleures universités. Je ne pardonne pas au gouvernement algérien », tonne-t-il en faisant remarquer que, lui, il passe ses journées à Finsbury Park qu’il compare au quartier populeux de Boumati, à Alger. On est en effet bien loin du Big Ben, de Buckingham Palace et de la place Picadilly. L’amertume et la rancœur chez Berricha sont telles qu’il ne veut plus entendre parler de l’Algérie. « J’ai dit à mes amis de m’enterrer ici dans le cimetière musulman pakistanais. »
« Vive la reine »
De l’avis de nombreux Algériens, Finsbury Park n’est plus ce qu’il était. La délinquance prend des proportions telle qu’une mauvaise réputation a fini par coller à cette agglomération. Au point où de nombreuses caméras ont été placées pour surveiller les moindres faits et gestes des gens qui empruntent les ruelles de Finsbury Park. « Ce sont les adolescents arrivés dernièrement qui sont à l’origine de la détérioration de la situation », avance Salim. « Ici, il est interdit d’expulser des mineurs, mais le premier mineur à avoir été renvoyé chez lui est Algérien, car il était trop dangereux », poursuit-il. Le fait le plus frappant reste en effet la présence de nombreux adolescents algériens qui ont quitté le pays alors que leur âge ne dépasse pas les 15 ans. Il en est ainsi d’un jeune, petit de taille, blanc, les yeux vert malicieux, élégamment habillé. Agé de 16 ans, il n’a pas cessé de faire « allégeance » à la reine Elizabeth II. « Vive la reine », crie-t-il en chœur avec des jeunes de son âge. Il se montre toutefois plus réservé quand nous l’interrogeons sur son gagne-pain. « C’est top secret », dit-il. On apprendra plus tard que la plupart de ces jeunots se sont spécialisés dans le trafic de drogue et la rapine. D’ailleurs, à la sortie de la station de métro de Finsbury Park, une affiche de la police londonienne sur laquelle on aperçoit les photos de quatre jeunes Algériens recherchés pour trafic de drogue ne laisse guère indifférent. Au contraire, elle en dit long sur la nature exacte des activités de nos immigrants. Comme quoi, émigration ne rime pas forcément avec réussite.
Nora Boudedja
El watan