S’il n’en tenait qu’aux responsables du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), l’église Saint-Denys-du-Plateau, à Sainte-Foy, aurait été transformée en… mosquée.
L’église, à l’architecture fort originale, est située à quelques mètres de l’ancien hôtel de ville de Sainte-Foy, sur la bien nommée route de… l’Église. Elle a été mise en vente le 13 mars 2007. C’est que la fabrique Notre-Dame-de-Foy, propriétaire de cinq lieux de culte, a jugé que Saint-Denys-du-Plateau était «excédentaire» eu égard aux besoins spirituels des ouailles. En attendant une éventuelle vente, l’église, inaugurée en 1964, est toujours ouverte.
À la fin de 2007 ou au début de 2008, le CCIQ a déposé une offre d’achat dans le but de transformer l’église en mosquée. Jugeant depuis longtemps que les trois lieux de prière que se partagent les fidèles musulmans sont devenus trop exigus, les responsables de la communauté musulmane caressent l’espoir de fonder une grande mosquée à même de répondre aux besoins grandissants de leurs coreligionnaires. Entre 2002 et 2008, les contributions volontaires des membres de la communauté musulmane de la grande région de Québec (5000 à 6000 personnes) ont permis de rassembler la somme de 750 000 $, destinée à défrayer le coût d’un bâtiment ou d’un terrain sur lequel trônerait la nouvelle mosquée.
«Les discussions n’ont pas abouti»
«Nous avons déposé une offre d’achat il y a quelques mois, confirme Mustapha Skakni, tout nouveau responsable de la direction des affaires extérieures du CCIQ, mais on ne parle plus de ça. Les discussions n’ont pas abouti. Ça ne pouvait pas se faire à cause des procédures particulières de vente des églises.»
Sans donner de chiffres précis, M. Skakni affirme que la somme proposée par son organisme se situait entre 1,5 million et 2 millions de dollars. Selon les informations du MédiaMatinQuébec, il y aurait même eu un minimum de deux offres d’achat déposées par le CCIQ à quelques semaines d’intervalle. La somme envisagée aurait été largement bonifiée entre les deux offres, information que M. Skakni n’a pu nous confirmer.
Du côté de Rémy Gagnon, responsable du département des fabriques au diocèse de Québec, on soutient «[qu’il] n’y a eu ni acceptation ni refus» de l’offre du CCIQ. C’est que la procédure de vente est soumise à une «déclaration relative aux églises». Datant d’avril 1999, cette entente a été signée par l’archevêque de Québec, la Ville et la ministre de la Culture et des Communications. «Le diocèse de Québec et/ou les conseils de fabrique [doivent respecter] un délai de deux ans, à partir de la date de fermeture du culte, avant d’autoriser l’aliénation d’un bien immobilier religieux», stipule l’article deux de ladite déclaration.
Deux ans de préemption
Ce processus singulier fait que la Ville et autres organismes publics possèdent une sorte de droit de préemption (priorité d’achat) durant deux ans. «Il faut entre deux et cinq ans avant qu’un projet de vente d’une église aboutisse», souligne M. Gagnon.
Rumeur démentie
MM. Skakni et Gagnon ont tous deux vivement démenti la rumeur qui circule pourtant avec insistance, depuis quelques semaines, dans la communauté musulmane. Ces bruits de couloir veulent que des fidèles catholiques qui fréquentent Saint-Denys-du-Plateau aient refusé, pour des raisons religieuses, que leur église devienne une mosquée. En plein débat identitaire sur la place de la religion catholique au Québec, la symbolique aurait, semble-t-il, été désastreuse. «Je n’ai jamais rien entendu de tel», assure M. Skakni. Tout en admettant qu’il puisse y avoir certaines «méfiances» envers les musulmans, Mustapha Skakni nie catégoriquement que ceci ait une quelconque relation avec le projet de changer la vocation de l’église.
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Un cimetière dans la mire
Comme la piste de l’église a, paraît-il, été abandonnée, les leaders musulmans semblent lorgner une portion inoccupée du cimetière Notre-Dame-de-Belmont, de l’avenue Chapdelaine, à quelques centaines de mètres de l’actuelle mosquée Annour, avenue Myrand, à Sainte-Foy. Le terrain pourrait, de ce fait, devenir la prochaine grande mosquée de Québec.
«C’est une des pistes envisagées, lâche Mustapha Skakni, responsable de la direction des affaires extérieures du Centre culturel islamique de Québec (CCIQ), mais je préfère ne pas en parler tant que rien n’est signé.» Le cimetière Belmont est le lieu du dernier repos de l’ex-premier ministre du Québec Jean Lesage, qui y a été enterré en 1980. Au début des années 2000, le CCIQ avait pressenti une portion vacante du terrain pour en faire un cimetière musulman, mais le projet n’a jamais abouti.
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Un sujet délicat
Théologiquement parlant, rien dans la religion catholique ou musulmane n’interdit explicitement qu’une église change de vocation pour devenir une mosquée. Cela dit, le sujet demeure hautement sensible. Ainsi, à l’été 2005, le projet de réaménager une chapelle, à l’Université Laval, pour accueillir la prière musulmane du vendredi avait suscité une vive polémique. À l’époque, le père Paul Karim, de la Mission malékite (chrétiens d’origine arabe), a signalé à l’hebdomadaire étudiant Impact Campus que «si on se permet de dire ‘mosquée un jour, mosquée toujours’, on doit sûrement dire aussi: ‘chapelle un jour, chapelle toujours’». En Espagne, la possibilité de transformer une partie de la fameuse cathédrale de Cordoua en mosquée a tellement fait couler d’encre que le Vatican a réagi, en 2004, en défaveur du projet. Pour compliquer les choses, cette même cathédrale a déjà été une Grande mosquée entre le VIIIe et le XIIIe siècle… du calendrier grégorien, faut-il préciser.