Le président Bush a signé un décret, vendredi, pour «couvrir» les services.
Par PHILIPPE GRANGEREAU
QUOTIDIEN : lundi 23 juillet 2007
La CIA peut continuer de torturer, cette fois légalement. Vendredi soir, en réaffirmant son «droit à interpréter le sens et l’application des conventions de Genève», le président George W. Bush a émis un «ordre exécutif» dont une partie est secrète. Le premier volet stipule que l’agence de renseignements, qui opère selon des règles beaucoup plus obscures que celles régissant les forces armées, doit respecter au moins l’un des ­articles (le troisième) des conventions. Celui-ci interdit «les traitements cruels, inhumain ou dégradants». Le directeur de la CIA, Michael Hayden, a assuré que cet article serait «bien sûr respecté pendant les interrogatoires et la détention de terroristes par la CIA».
Rédigé dans un jargon équivoque, presque kafkaïen, le décret prohibe «les actes volontaires et atroces d’abus commis dans l’intention d’humilier ou de dégrader de manière si grave que toute personne raisonnable, selon les circonstances, les jugerait en dehors des limites de la décence humaine». La Maison Blanche, qui affirme «ne pas torturer», s’est refusée à dévoiler la partie «classifiée» du décret, qui détaille les moyens autorisés pour faire parler un détenu. Les défenseurs des droits de l’homme notent pour leur part que la technique de la noyade simulée, la privation de sommeil et de nombreuses autres tortures ne figurent pas dans le volet public.
Le décret répond à une décision de la Cour suprême l’an dernier, qui avait contredit l’assertion de l’administration Bush, selon laquelle les conventions de Genève ne s’appliqueraient pas aux «combattants ennemis illégaux».
Les protestations européennes avaient conduit Washington à annoncer, en septembre 2006, le transfèrement de «tous» les prisonniers détenus clandestinement de par le monde, dans le camp-prison de Guantanamo Bay, à Cuba. Mais ce programme de détention secret n’a pas été remisé. Les agents de la CIA, redoutant d’éventuelles poursuites judiciaires, avaient exigé une «légalisation» de leurs pratiques. Le décret de vendredi y pourvoit, s’est réjoui Hayden. «Nous pouvons désormais nous concentrer sur notre travail vital.»