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 Droits de l'Homme

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Nedjma
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MessageSujet: Droits de l'Homme   Droits de l'Homme Icon_minitimeJeu 23 Aoû - 14:06

Me Ali-Yahia Abdennour revient
« La maladie du Président doit être abordée

Autorité morale très respectée, Me Ali-Yahia Abdennour est incontestablement le « Monsieur Droits de l’Homme » en Algérie. Du haut de ses 86 ans, il jette sur le monde un regard serein, analysant les événements avec une étonnante lucidité, le verbe toujours vif et généreux. Il nous a reçus aimablement dans son appartement qu’il a voulu ouvert à tous les Algériens, quelle que soit leur couleur politique. Fidèle à ses engagements, Me Ali-Yahia revient sur son long parcours militant qui ne lui a pas valu que des lauriers, lui qui a défendu indistinctement El-Hachemi Chérif, Saïd Sadi et Ali Benhadj. Il s’en explique avec mesure et dignité.

Maître Ali-Yahia Abdennour, vous venez de sortir un livre aux éditions INAS intitulé La Dignité humaine. Vous soulignez que le propos de votre livre est de « comprendre l’essentiel du mécanisme politique qui a engendré la crise ». Votre ouvrage se présente comme un sévère réquisitoire contre le régime. Pourriez-vous nous parler un peu de la genèse de ce livre ?

La valeur de la personne humaine dans la société pourrait expliquer la genèse de ce livre, qui exclut l’exclusion et qui se montre intolérant envers l’intolérance. Son respect qui est le contraire de la révérence, de la vénération, du « zaïmisme », suppose une éthique, une morale et une culture. Il s’agit de dire quelle femme et quel homme voulons-nous former et pour quelle société. Quelle culture voulons-nous leur transmettre. Car, c’est par l’éducation que passent toutes les routes qui mènent à la démocratie et aux droits de l’homme. Tous les regards doivent être tournés vers un horizon d’espoir où personne ne baissera la tête, où personne ne pliera le genou, où chacune et chacun aura la dignité et la fierté d’être Algérienne et Algérien. Certaines vérités doivent être dites, pour donner des faits une image fidèle, conforme à la réalité, avec un regard apaisé, afin que les deux décennies écoulées entrent dans la voie des aveux. Nous devons dire au peuple la vérité sur tout et sur tous, sans enjolivures ni explications préfabriquées. « Dire la vérité, écrivait Blaise Pascal, est utile à celui à qui on la dit, mais désavantageux à ceux qui la disent, parce qu’ils se font haïr. » Ce livre s’attache à reconstruire les événements de la décennie 1990 et la suivante, et à faire la lumière sur les pages sombres de notre histoire, sur le blocage de la vie politique, sociale et culturelle, et la férocité des rapports humains. Cette tâche est d’autant plus impérative que tout ce qui met au grand jour le visage répressif de l’Etat est réduit au silence.

Vous avez toujours préconisé un traitement politique de la crise contre l’option dite du « tout sécuritaire » que vous dénoncez avec véhémence. L’un des moments les plus polémiques de votre parcours, convient-il de rappeler en l’occurrence, reste l’épisode de Sant’ Egidio. Vous écrivez : « Le contrat national dont chacun peut mesurer la densité et la richesse demeure l’événement politique le plus important de ces dernières années. » (p.160). Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le contrat de Rome ?

Faut-il considérer que les jeux sont faits, figer la situation politique et sociale, maintenir le statu quo ou tenter de ramener la paix ? La politique n’unit pas, elle divise. C’est sa nature et son rôle. Elle est un jeu cruel et la règle du jeu ne se trouve pas dans Descartes mais dans Machiavel. Il faut bien lire le contrat national qui s’est imposé par son courage, son originalité, pour bien le comprendre et, surtout, éviter les contresens. Les dirigeants du FIS avaient pleine autorité à l’époque sur les groupes armés islamiques favorables au contrat national qui ouvrait la voie à la paix et à la réconciliation nationale.

Vous avez vite été rangé dans le camp des « qui-tue-quistes » et vos engagements vous ont souvent valu des « anathèmes » comme vous l’écrivez. On se plaît à vous présenter un peu comme « l’avocat du diable », une sorte de « Jacques Vergès algérien », notamment pour avoir assuré la défense de Ali Benhadj. Qu’aimeriez-vous dire à vos détracteurs sur ce point précis ?

En octobre 1988, la société dans son ensemble jugeait la torture intolérable, et le jugement du bourreau un impératif. Nous sommes dans l’univers manichéen où l’on peut dénoncer la torture d’octobre 1988 tout en se taisant ou même en justifiant celle qui sévit depuis juin 1991 avec une rare violence. Pourquoi une telle discrimination entre les victimes de l’état de siège d’octobre 1988, celles de l’état de siège de juin 1991 et de l’état d’urgence du 9 février1992 toujours en vigueur. Le soutien aux victimes de la répression, de toutes les répressions, se conjugue au passé, au présent et au futur et non à l’imparfait ou au conditionnel. Il doit être affranchi des réflexes partisans ou idéologiques, car les droits de l’homme sont au-dessus de tout clivage politique.

Vous dites : « Quand les droits de l’homme sont bafoués, je ne cherche pas à savoir si la victime est islamique, éradicatrice ou démocrate. » (p 20). Pourquoi avez-vous refusé de défendre Lembarek Boumaârafi ?

Lembarek Boumaârafi, l’assassin présumé du président Mohamed Boudiaf, m’a écrit dès son arrestation et sa mise en détention à la prison de Annaba et m’a demandé d’assurer sa défense. Dans sa deuxième lettre, après mon refus d’assurer sa défense, il me demandait de lui rendre visite pour me confier un secret qu’il ne voulait transmettre à personne d’autre. J’ai refusé parce que la sécurité militaire ne reculerait pas devant mon exécution pour détention de secret d’Etat. Un an auparavant, en septembre 1991, le général major Smaïn Lamari qui était à l’époque colonel, avait fait pression sur les dirigeants du FIS pour qu’ils me déconstituent. La chambre d’accusation de la Cour d’Alger a ordonné une expertise balistique pour savoir si les balles retirées du corps de Boudiaf et celles incrustées dans les murs provenaient ou non de la même arme. Cette expertise n’a pas été faite et les caméras qui ont filmé le discours de Boudiaf n’ont pas été présentées au cours du procès de Boumaârafi. Le président Liamine Zeroual avait demandé à Adami, le ministre de la Justice, de réviser le dossier de Boumaârafi. Il est revenu sur sa décision pour des raisons que la raison ignore.

Vous notez que les trois composantes essentielles du pouvoir à l’heure actuelle sont : le DRS, le Président et le pétrole. Vous dressez un bilan peu reluisant des deux mandats de M.Bouteflika en lui reprochant d’avoir instauré un pouvoir personnel au point que « même ses conseillers - je cite - reçoivent de Bouteflika plus de conseils qu’ils ne lui en donnent . » (p.180). On évoque avec insistance une réforme de la Constitution, avec, à la clé, un troisième mandat pour M.Bouteflika. Qu’est-ce que cela vous inspire-t-il ?

Pour chaque nouveau Président, la Constitution en vigueur est la cause principale de tous les maux du pays. Il faut donc la changer. Et à chaque fois, les Constitutions sont usées et renouvelées avant d’avoir servi. Les trois qualités du Président sont : arriver au pouvoir, l’exercer et, surtout, le garder. Le pouvoir se prend, s’exerce et se garde par un coup d’Etat, par les armes ou par les urnes. Les considérations régionalistes et claniques sont présentes et influent sur les nominations dans les principales institutions et aux postes clés de l’Etat. La propulsion au niveau du gouvernement, de la diplomatie, de la haute administration et des médias publics, de cadres originaires de l’ouest du pays a réveillé les vieux démons du régionalisme. L’essentiel du pouvoir quasi monarchique, en osmose avec l’ultralibéralisme, est concentré à la présidence. Le jour où l’armée obéira à un Président de la République élu démocratiquement, qui rendra au peuple l’Etat privatisé par ceux qui l’occupent, et leurs droits de citoyens aux Algériens qui sont les détenteurs originaux de la souveraineté populaire, ce sera l’acte fondateur de la démocratie et de la deuxième République. Il faut mettre fin à ces élections sans surprise dont les résultats sont connus d’avance. Le Président ne désire pas un troisième mandat mais un deuxième mandat prolongé à sept ans, qui ne se terminerait donc pas en 2009 mais en 2011.

« Le président a-t-il la capacité physique de conduire les affaires du pays ? », vous interrogez-vous dans un chapitre consacré à l’état de santé de M. Bouteflika. Vous ajoutez : « Il est acculé de par sa maladie à alléger l’éventail de ses compétences et à réduire le nombre de ses décisions. » Pensez-vous, à la lumière de cette nouvelle donne, que le pays soit fragilisé par la maladie du chef de l’Etat ?

Tout indique que le système politique en vigueur depuis l’indépendance du pays traverse une grave épreuve et serait en phase finale, en fin de règne. Les événements prévus ou imprévus peuvent survenir dans la situation objective de crise qu’elle peut résoudre dans un proche avenir. Le Président sera-t-il contraint à un retrait anticipé pour maladie ou suivra-t-il l’exemple des Présidents français, Georges Pompidou et François Mitterrand, qui ont assumé leur tâche jusqu’à épuisement ? Tout ce qui a trait à la maladie du Président doit être abordé avec prudence, franchise et clarté, avec hauteur de vue, de délicates attentions et une générosité du cœur. Les représentants des deux institutions solides de l’Etat, les décideurs de l’armée et le Président de la République, doivent mettre leur maturité politique au service des intérêts supérieurs du pays. Il faut les appeler au sursaut, au renouveau, à des révisions déchirantes, car tout indique que des échéances et des choix redoutables s’imposent dans un proche avenir. Le peuple algérien doit peser sur les événements et ne pas attendre que d’autres décident à sa place. La démocratie, c’est d’abord l’alternance, qui est le droit souverain du peuple algérien à choisir librement ses représentants au niveau de toutes les institutions élues de l’Etat. La transition pacifique vers un régime démocratique est la prétention de l’Algérien qui aspire à devenir le sujet et non l’objet de l’Histoire.

A suivre
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MessageSujet: Re: Droits de l'Homme   Droits de l'Homme Icon_minitimeJeu 23 Aoû - 14:07

Suite

Dans quelques jours, nous commémorons le dixième anniversaire des massacres de Raïs et Bentalha. Vous insistez sur le fait que la lumière n’a pas été faite sur cette affaire en mettant en cause la responsabilité de l’armée que vous accusez de non-assistance à peuple en danger. Vous parlez, par ailleurs, « d’escadrons de la mort téléguidés par les services »…

Les massacres de la population civile à Raïs, le 28 août 1997, à Bentalha, le 23 septembre 1997, à Béni Messous, en octobre 1997, à Relizane, en décembre 1997 et janvier 1998, ne sont pas seulement l’œuvre des groupes armés islamiques mais aussi ceux des commandos de l’armée, ou des milices téléguidées par les services du DRS. Des témoins ont reconnu parmi les assassins des voisins engagés dans l’armée, la police ou la milice (les Patriotes, ndlr) pour les uns, pour les autres, des membres des groupes islamiques armés. Les appels d’Algérie du GIA adressés à Abou Hamza, responsable de la publication d’Al Ansar (paraissant à Londres, ndlr), mis sur écoute par les services secrets britanniques, ont révélé que les appels provenaient d’une caserne de l’armée, dans les environs d’Alger. La réalité des témoignages prouve la culpabilité des groupes armés islamiques, de l’armée, des services de sécurité, ainsi que des groupes armés occultes ou escadrons de la mort dans les massacres collectifs. Trois thèses sont, dès lors, développées dans mon livre : celle du pouvoir, celle des islamistes et celle de la LADDH avec de nombreux témoignages.

La question des disparus a toujours été au cœur de votre combat. Dans votre livre, vous citez le chiffre de 18 000 cas recensés par la LADDH jusqu’à ce jour. Vous évoquez une rumeur faisant état de l’existence de « camps secrets dans le sud du pays où seraient parqués les disparus » (p.92). Cette piste vous paraît-elle toujours plausible ?

Les disparus sont-ils vivants ou morts ? Telle est la lancinante question. Seraient-ils toujours en vie, détenus dans des camps secrets ? Dans ce cas, le pouvoir doit les libérer ou les présenter à la justice. S’ils sont morts, ce qui est malheureusement le cas pour beaucoup d’entre eux, il doit localiser les charniers où sont ensevelis leurs corps et informer leurs familles angoissées qui vivent un véritable calvaire. Ces dernières doivent faire leur deuil et il faut un lieu de deuil, un cimetière qui facilite le recueillement. Que sont devenus les disparus, vivants sans existence, morts sans sépulture ? Leurs familles ont apporté les preuves qu’ils n’ont rejoint ni les maquis, ni l’étranger, qu’ils n’ont pas été tués dans des accrochages mais bel et bien enlevés à leur domicile, sur leurs lieux de travail, ou après convocation par des services de sécurité authentifiés.

Vous dénoncez énergiquement la pratique généralisée de la torture depuis l’instauration de l’état d’urgence. Vous reproduisez les témoignages de personnes sauvagement torturées dans le cadre des opérations de maintien de l’ordre. Que peuvent faire les victimes de ces dépassements pour obtenir réparation afin que ces crimes ne restent pas impunis, d’autant plus que les lieux de ces tortures sont, pour certains, clairement identifiés (caserne de Châteauneuf, commissariat central d’Alger…) ?

De très nombreux messages vérifiés, exprimés avec force, angoisse, détresse et colère, par les prisonniers, leurs familles et leurs avocats, ont fait état durant la décennie écoulée de tortures qui ne sont pas des bavures, des faits isolés ou des accidents de parcours, mais une pratique administrative courante, employée par les services de sécurité relevant tant de l’autorité militaire que de l’autorité civile. Elle est devenue partie intégrante des interrogatoires qu’elle remplace ou accompagne. Les victimes et les témoins de la torture doivent vaincre leur peur et parler, car faire taire après la sale besogne est l’arme par laquelle elle se perdure. La convention internationale de 1984 sur la torture fait obligation aux Etats qui l’ont ratifiée de déférer, sur leur territoire, en justice, tout tortionnaire, quelles que soient sa nationalité et celle des victimes, et quel que soit le pays où il a trouvé refuge, vit en exil doré ou est seulement de passage.

Les mesures d’apaisement se sont multipliées de la part du pouvoir, depuis la loi sur la rahma jusqu’à la charte sur la paix et la réconciliation nationale en passant par le « wiam ». Quelle appréciation faites-vous de ces mesures censées vider les maquis ?

La charte pour la paix et la réconciliation nationale est la suite de la loi sur la rahma du 25 février 1995, de la concorde civile de 1999, et de l’ordonnance du 10 janvier 2000 dite « grâce amnistiante », et appliquée à l’AIS sans résultats probants. La reddition de l’AIS n’était d’aucune utilité sur le plan sécuritaire du fait que cette organisation observait déjà une trêve depuis le 1er octobre 1997. La paix doit être abordée sous le seul angle qui n’a pas été traité, celui de sa dimension politique. Ce n’est pas pour le moment la voie empruntée mais elle mérite d’être explorée. La paix est un problème politique et non sécuritaire et social. Il faut donc lui apporter une solution politique.

La façon expéditive dont la charte a été votée lors du référendum du 29 septembre 2005 n’a pas échappé à vos critiques. Vous écrivez : « L’amnistie sans la vérité et la justice n’est que de l’impunité. » (p.110). Comment, dès lors, accomplir ce travail « cathartique » nécessaire, selon vous, pour ramener la paix civile ?

L’idée maîtresse du processus de réconciliation nationale est que c’est le corps social dans son ensemble qu’il s’agit de guérir de la violence de l’action politique. « Il est politique d’ôter à la haine son éternité », disait Plutarque. La charte pour la paix et la réconciliation nationale qui devrait être un grand projet politique, est réduite à sa dimension sécuritaire, conduisant au sommeil des consciences. Elle a sacrifié les impératifs de vérité et de justice, et a consacré l’impunité des agents de l’Etat. Elle disculpe et innocente les militaires, les gendarmes, les policiers. Elle vise à assurer l’impunité aux généraux, car, en termes de droit comme au regard des faits, rien ne s’oppose à leur comparution devant une cour de justice pour violation massive des droits de l’Homme qui ont eu lieu sur tout le territoire national. Elle interdit toute politique contraire à celle définie par le pouvoir. Droits de l’Homme et paix sont les deux aspects indissociables de la vie humaine. Toute tentative de promouvoir l’un aux dépens de l’autre, assurer la paix aux dépens de la vérité et de la justice, conduit à l’échec des deux.

La famille des militants des droits de l’Homme algériens est, force est de le constater, divisée. Ces désaccords trahissent-ils des divergences doctrinales ou bien des conflits d’intérêts ?

Deux axes se dessinent pour la défense des droits de l’Homme. Le premier se place dans une position non conflictuelle avec le pouvoir pour obtenir des résultats concrets mais limités. Faire dépendre une liberté publique essentielle du bon vouloir des pouvoirs publics, rester prisonnier des contraintes du pouvoir exécutif, aboutissent à jouer le simple rôle de médiateur. Le deuxième axe vise à faire des droits de l’Homme un contre-pouvoir car le pouvoir n’est pas par lui-même, quelle que soit sa nature, respectueux des droits humains. La défense des droits de l’Homme ne peut être que l’œuvre d’une ligue indépendante du pouvoir et des partis politiques qui gérerait elle-même ses propres affaires, dans le cadre des lois du pays et les engagements internationaux relatifs aux droits de l’Homme entérinés par l’Etat algérien.

Après toutes les péripéties qu’elle a traversées, dans quel état se trouve aujourd’hui la LADDH ?

Il faut tout d’abord mettre un terme aux divisions, aux polémiques et aux querelles pour que la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme puisse sortir de sa léthargie et consacrer sa volonté et son énergie à la réalisation de ses objectifs, car, les fautes de méthode se paient aussi cher que les erreurs d’analyse. Ceci est la priorité des priorités. Le comité directeur de la Ligue, organe exécutif, a éclaté, et le conseil national s’est réuni une seule fois en deux ans, alors qu’il doit se réunir en session ordinaire tous les six mois. D’incident en incident, on en vient à alourdir le climat qui se dégrade par touches successives, et si nous n’y prenons garde, cela ira en s’aggravant jusqu’à engendrer une crise de plus en plus aiguë. L’épreuve doit être résolue par l’application des statuts de la Ligue qui auront à redresser une évolution dangereuse. Il est impératif qu’une évolution nécessitant une réorganisation se produise pour laisser la place à une équipe de travail plus soudée, plus efficace. Une page va être tournée et le livre de la LADDH ne se feuillette que dans un sens. La devise : « Dans la voie du devoir » nous rappelle constamment que les droits de l’Homme reviennent de loin en Algérie, mais qu’ils ont encore un très long chemin à parcourir, et qu’il faut être plus sensible, plus motivé, plus déterminé à poursuivre la route qui reste à faire.

Au chapitre économico-social, vous rejetez vigoureusement la politique ultralibérale du gouvernement en chargeant, au passage, l’UGTA que vous accablez sans ménagement. Que peuvent faire les syndicats autonomes dans cette conjoncture ?

La réforme économique est mal conçue, mal expliquée et mal acceptée par la population. Elle est la cause première de la paupérisation et de la précarité du peuple. L’UGTA est devenue une courroie de transmission du pouvoir dont la mission principale est de désamorcer la crise sociale. Elle est partie intégrante du système politique et ne peut évoluer en dehors de lui. Elle a tourné le dos à l’action syndicale, a abandonné le syndicalisme de protestation et de contestation pour un syndicalisme de concertation et de soumission au pouvoir. Il faut dépasser la conjoncture actuelle, penser l’avenir qui est dans le pluralisme syndical, donc l’agrément des syndicats autonomes. Le travail définit la condition humaine, notamment le droit à la liberté syndicale dans ses deux dimensions, le pluralisme syndical et l’adhésion libre, sans que les réunions syndicales ne soient prohibées, et les manifestations publiques brutalement réprimées.

Votre opus se lit comme un livre de sagesse politique. Usant d’une belle maxime, vous écrivez dans un passage appelant à l’union sacrée des démocrates : « Il faut agir en duo et non en duel. » Avez-vous espoir, Maître Ali-Yahia Abdennour, de voir les « éradicateurs » et les « réconciliateurs » d’hier enterrer, un jour, la hache de guerre et œuvrer ensemble sur la base d’une plate-forme fédératrice pour l’édification d’une société démocratique ?

Le régime politique qui a fait du droit du peuple algérien à disposer de lui-même conquis de haute lutte, le droit de l’Etat à disposer de son peuple, s’est imposé en 1962 par la violence et a remplacé la domination coloniale par la domination d’un clan issu de l’armée des frontières. Tuteur du peuple, il s’est substitué au peuple proclamé souverain par les différentes Constitutions. Construire une république fondée sur une démocratie juridique qui consacre le règne de l’Etat de droit et qui met au premier plan comme finalité le triomphe de la dignité humaine, relève du combat à mener du fait que le système politique travaille à sa propre reproduction. La formation du front national des forces démocratiques demeure un impératif catégorique. Le rassemblement des démocrates est la voie à suivre du fait qu’il n’y a pas de graves divergences sur les questions fondamentales. Les démocrates doivent se garder de deux dangers qui les menacent : l’exclusion et le sectarisme. C’est à une négociation globale sans s’arrêter aux problèmes de personnes, qu’il convient de procéder. Le conflit de personnes est désavoué car il polarise l’attention sur de faux problèmes. Il n’est pas un démocrate qui ne soit blessé, scandalisé par le spectacle de la division que nous offrent les partis démocrates, dominés par des querelles et des polémiques personnelles. La réconciliation des rivaux donnera une impulsion à l’union sur un projet de société basé sur trois principes : la démocratie, la croissance économique et la justice sociale. L’école, l’emploi et le logement : ces trois mots expriment les priorités du peuple algérien.

Repères biographiques

1921 : Naissance le 18 janvier au village de Thaqa Nath Yahia, dans la commune de Ain El Hammam, en Haute Kabylie.

1943 : Mobilisation au mois de février par les forces alliées débarquées à Alger en novembre 1942. Il reçoit une formation militaire à Kenitra, au Maroc.

1944 : Le 15 août, le jeune Ali-Yahia débarque à Saint-Tropez. Il sera blessé en octobre 1944 à la Trouée de Belfort. Passe six mois à Toulouse où il est soigné avant de rentrer au pays en mai 1945 dès l’Armistice.

1945 : Adhésion au PPA. Ali-Yahia Abdennour exerce le métier d’instituteur comme son père. Il enseigne à Alger avant de s’installer à Khemis-Miliana. Dirige une cellule du PPA-MTLD.

1949 : Eclatement de la crise berbériste. Ali-Yahia s’oppose à Messali et quitte le parti.

1954 : Rejoint le FLN sous l’impulsion de Amar Chikh. Prend part à l’organisation de la Révolution à Alger.

1956 : Création de l’UGTA le 24 février. Ali-Yahia Abdennour devient un responsable influent de cette organisation syndicale après l’arrestation de Aïssat Idir et des autres membres de son secrétariat.

1957 : Arrestation le 7 janvier, en pleine Bataille d’Alger. Me Ali-Yahia passe près de cinq ans dans divers camps de concentration (Paul Cazelles, Bossuet, Berrouaghia…).

1961 : Libération puis expulsion vers Tunis. Ali-Yahia Abdennour succède à Aïssat Idir à la tête de l’UGTA jusqu’à l’indépendance.

1962 : Député à l’Assemblée constituante et dans la première Assemblée de l’Algérie indépendante.

1963 : Ali-Yahia Abdennour est membre fondateur du Front des forces socialistes (FFS) aux côtés de Hocine Aït-Ahmed. Crise de Kabylie.

1965 : Ali-Yahia Abdennour est dans le gouvernement de Boumediène comme ministre des Travaux publics puis ministre de l’Agriculture.

1967 : Démission du gouvernement en octobre. S’inscrit à une licence de droit à l’âge de 48 ans.

1972 : Major de sa promotion, Me Ali-Yahia entame sa carrière d’avocat. Il défendra, entre autres, El Hachemi Chérif (PAGS) et Saïd Sadi (MCB).

1983 : Le 2 octobre, Me Ali-Yahia est arrêté pour « complot contre la sûreté de l’Etat » et transféré à la prison de Berrouaghia. Il y restera jusqu’au 14 mai 1984 et la grâce amnistiante du Président Chadli.

1985 : Création, le 14 avril, de la Ligue algérienne des droits de l’homme (LADH). Deuxième arrestation, le 9 juillet, pour avoir créé la LADH. 11 mois de prison ferme.

1987 : Me Ali-Yahia est « dépossédé » de la LADH au profit de Me Miloud Brahimi.

1989 : Création, le 26 août, de la Ligue algérienne de défense des droits de l’Homme (LADDH).

1991 : Le 7 juillet, Me Ali-Yahia est constitué pour assurer la défense de Ali Benhadj.

1995 : Signature le 14 janvier du Contrat de Rome sous les auspices de la communauté catholique de Sant’Egidio. Me Ali-Yahia est président et porte-parole de cette réunion qui avait regroupé une partie de l’opposition favorable à une solution politique associant le FIS dissous.

2005 : Me Ali-Yahia Abdennour quitte la présidence de la LADDH à l’issue de son deuxième congrès qui s’est tenu en septembre, laissant la direction de la Ligue à Me Hocine Zehouane.

Mustapha Benfodil
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